Quête de la recette perdue

Le tavernier ne comprenait pas... Il marchait nerveusement, de long en large, d'un mur de l'auberge à l'autre. Ces temps-ci, avec les ennemis présents aux abords de la ville, les accidents étaient tellement fréquents qu'il était de coutume de s'inquiéter quand des retards de quelque connaissance survenaient.

- Mais que font-ils ?

Germain se tenait près d'Hellismine. Il ne comprenait pas l'inquiétude de son jeune ami.

- Qui devait venir, m'as-tu dit ?
- Ah non, mais tu le fais exprès ma parole... Je t'ai dit Bary, Bono, Glaps, Seth... On doit faire un poker, ils ont une heure de retard...
- Ben faut dire, faire un poker dès le lever du jour, c'est pas courant... Moi, quand j'étais jeune...

Hellismine sortit de l'auberge et attendit ses compères sur le perron... De toute façon, les complaintes de Germain Beer, il les connaissait toutes...

J'aperçus Hellismine sur le pas de la porte alors que j'arrivai à l'auberge. Je lui fis un salut de la main et continuai d'avancer à mon rythme tranquille. D'un mouvement d'épaule, je remis en place l'énorme sac que je portais sur mon dos.

« Bonjour, ami Hellismine ! Pardonne mon retard, la route a été longue. »

J'entrai dans l'auberge, le sol craquait sous mes pas. Je retrouvai le décor familier et paisible que j'avais quitté quelques mois auparavant. Après tout ce temps passé dans les marais, je redécouvrais cette bonne vieille ville de Failariel.

Je posai mon fardeau et m'étirai. Une choppe de raku-raku à moitié pleine traînait sur une table, son propriétaire endormi dans un état d'ébriété avancé. J'empoignai la chope et la vidai d'un trait. Soupirant d'aise, je me tournai vers Hellismine.

« Cette auberge est devenue magnifique et Bary a bien fait son travail : le nom du Seizon Debout est réputé dans les coins les plus reculés des marais. »

Tout en parlant, je soulevai le sac et le posai sur une table libre.

« Après avoir été élu, dans le plus parfait respect de la démocratie, mister Seizon, j'ai été harcelé de toutes parts. Je ne pouvais plus sortir sans être coursé dans les rues. Les fans en délire voulaient sans cesse m'approcher. C'en était devenu un tel enfer que j'ai préféré quitter la ville. »

Je passai sous silence qu'à cette même période, j'avais appris qu'un escadron de braves Reikons marchait de bon train vers notre capitale. Je sortis ma pipe de mon manteau, pris une poignée d'herbes dans une de mes poches, et l'allumai.

« Exilé dans les marais, j'errai quelques temps sans but. Un jour que je somnolais sous une énorme racine, je vis un drôle de bonhomme courbé, le nez dans la vase. Il m'expliqua qu'il cherchait des herbes pour fabriquer diverses potions et que, grâce à elles, il pourrait sauver des vies. »

J'entrouvris les lèvres et lançai un rond de fumée dans l'air.

« Il m'informa également que jusqu'à maintenant, ses essais n'avaient pas été très fructueux et qu'un de ses patients avaient succombé des suites de l'ingestion d'une de ses mixtures. Je compris immédiatement l'intérêt que de telles potions pourraient avoir vis à vis de nos ennemis et me mis en quête de concocter un poison fulgurant. C'est ainsi que je découvris de nombreuses plantes qu'il m'était auparavant parfaitement impossible de distinguer. J'en ai ramené quelques échantillons dans ce sac. »

Je défis le noeud et une odeur douceâtre s'éleva. Un mélange d'une multitude de parfums qui faisait légèrement tourner la tête. À part, je soufflai à Hellismine, en montrant ma pipe du doigt :

« J'en ai testé quelques unes. Certaines feront oublier les herbes tsuchies ! D'autres ont des effets plus... subtils... »

Une vague de nausée fit mine de s'insinuer à l'évocation de ce souvenir.

« Je n'ai cependant pas oublié notre traditionnelle partie de cartes et, après une longue route, me voici ! »

Je jetai mon infatigable manteau violet brodé d'or sur une des chaises. C'était encore celui qui me convenait le mieux quand je partais en voyage, en plus d'être moins voyant. Je m'assis enfin et commandai de quoi me restaurer. J'avais hâte de pouvoir expérimenter mes nouvelles techniques de cartes.

De loin, Hellismine aperçut Bono, qui l'avait vu lui aussi, et lui rendit son signe de la main. S'excusant de son retard, le sorcier entra dans l'auberge et félicita l'aubergiste pour la tenue de son établissement.

- Oui, Bary y est pour beaucoup, Sethitus également, avec son idée de fumerie...

Puis Bono lui parla de son sac empli de nouvelles herbes. Cela intéressait vraiment l'archer; il nourrissait pour les métiers et pour les arts des sorciers un vrai engouement. Ah devenir Herboriste, inventer ainsi de nouvelles boissons, de nouveaux plaisirs à fumer, "créer" en quelque sorte des potions et des solutions qui resteraient bien après sa mort...
Bono lui parla ainsi de différentes plantes qui pourraient remplacer l'alcheiss, ainsi que d'autres merveilleuses herbes.

- Bono, au fait, un vieux fou m'a dit quelque chose. Certains Mizus fumeraient l'herbe à chat ! Est-ce possible ?

Une grimace de dégoût parcourut le visage du tavernier. Puis il demanda à l'herboriste s'il n'avait pas vu ses compagnons de cartes, et Hellismine, toujours inquiet, confia ses craintes à l'arrivant :

- As-tu des nouvelles des fronts ? Sais-tu si les Reikons se lassent ou non ? Et les autres qui n'arrivent toujours pas... Mais bon, je m'inquiète surement pour rien, de plus ils sont de taille à se défendre. Espérons seulement que Bary ne tente pas une nouvelle technique de téléportation... Rends-toi compte, Bono, que la dernière fois qu'il est venu, il n'a réussi à téléporter que sa tête... Ne bouge pas, je vais chercher du raku...

Une ombre passe rapidement dans l'encoignure de la porte, la tête de glaps sort d'une boule d'ombre artificielle, et celui constate que l'auberge est bien calme. Puis , il reconnait Bono Skellington près du bar.
Glaps semble réellement heureux de revoir son compagnon de clan. Il sort donc franchement de sa bulle d'ombre et marche vers le bar.

- hééé bono ! je ne te savais revenu de ton voyage ! Tu viens pour le poker ?
c'est parfait ! tu dois bien avoir quelques petites décoctions exotiques a faire goûter ?

Concervant son sourire, glaps salue Hellismine.

- salut patron ! cette fois ci je vais éviter de répandre mes bouquins partout ...

Sur ces mots l'entrée de l'auberge est illuminée par de fins éclairs violets. Le sort de camouflage de glaps commence à devenir instable, et la boule d'ombre se transforme d'abord en patatoïde violacé, avant de rétrécir et finalement disparaître en éjectant violemment la charrette de glaps a travers la pièce.

-aah euh, bon, bah désolé.

J'éclatai de rire à l'évocation de l'herbe à chats mizue.

« Je l'ignore, mais les mizus sont suffisamment étranges pour en être capables. Glaps m'avait raconté une histoire similaire du temps où nous étions encore dans le même clan. Mais je t'avouerai que certaines des herbes que j'ai ramenées doivent avoir un lien de parenté avec l'herbe à chat. Pouah ! »

Tandis que Hellismine me faisait part de ses inquiétudes et des péripéties du magicien aux boîtes de céréales, Germain apporta une assiette au menu diététique essentiellement composé de maigres légumes qui ne respiraient pas la première fraîcheur. Tâtant les morceaux avec ma fourchette, je ne pus m'empêcher de soupirer :

« Hélas, le siège reikon dure-t-il depuis si longtemps ? La nourriture commence à être rationnée. Ne sachant à quoi m'attendre, j'ai confié ma licorne à un camarade en dehors de la ville et je me suis faufilé au travers des troupes ennemies à la faveur de la nuit. Elles sont malheureusement encore assez nombreuses pour faire la chasse aux intrépides Seizons qui mettraient le nez hors des fortifications. »

Je mastiquais consciencieusement ma pitance avant de reprendre :

« Mais ne te fais pas de soucis pour nos amis, ils sont bien plus expérimentés que moi... et j'ai pu arriver jusqu'ici sans encombre. Ils doivent certainement traîner dans quelque bataille, à venger nos frères Seizons tombés au combat. »

Hellismine commençait à s'éloigner quand une voix familière m'interpella. Je tournai la tête pour voir surgir de nulle part l'ami Glaps aux sortilèges plus surprenants à chacune de nos rencontres, rapidement suivi par sa charrette de livres. Je me levai pour aller à sa rencontre.

« Glaps, content de te voir, je parlais justement de toi ! Tu m'as percé à jour : j'ai ramené de mon ermitage dans les marais des herbes et des potions aux propriétés tout à fait étonnantes. »

Je fouillai dans ma besace et sortis une fiole au liquide légèrement rosé que je lui lançai.

« Cette potion, par exemple. Quelques gouttes suffisent à faire voir la vie en rose... au sens propre. Et après quelques minutes d'euphorie, on se prend pour animal. Je me suis réveillé sur une branche, en train de taper contre un arbre, tel un pic-vert. Je ne te raconte pas la migraine... »

Cela faisait plus de vingt-quatre heures qu'Hellismine n'était pas allé au combat, mais la tension des batailles n'était pas redescendue. Il tremblait à chaque fois qu'il entendait une explosion ou le bruit d'une pétarade. Non pas qu'il avait peur, mais il faut rester toujours sur ses gardes, toujours avoir les bons réflexes, toujours être aux aguets. C'est de la tension, de la mauvaise tension, celle qui stresse, celle qui affaiblit, mais, en temps d'agression, elle est nécessaire à la survie.
Rassuré par les paroles de Bono, le tavernier se mit à manger quelques légumes que même Lonnie aurait eu du mal à accepter, puis il allait se chercher un peu d'eau afin de faire passer ce qu'il venait d'ingurgiter, quand il entendit une exclamation. Glaps venait de faire son entrée dans l'auberge. Tout son corps était entouré comme d'une purée opaque qui le dissimulait à la vue de tout le monde. Il salua Bono puis le patron, comme il l'appelait.

- Hey Glaps, heureux de te voir sain et sauf...

Le sort de Glaps se mit à mettre le chantier et finit par renverser la charrette de livres...

- Ah non Glaps... Ces livres doivent en voir de belles tout de même. Je serais bien curieux de savoir le nombre de fois où ils se sont retrouvés à même le sol... Ou bien est-ce l'auberge qui leur portent malchance...

Glaps et Bono se connaissaient visiblement, ce fait étonna Hellismine, qui réfléchit un moment. Allait-il les laisser se parler tranquillement ou bien allait-il se mêler à la conversation ? Le tavernier sentit qu'ils allaient parler d'herbes, de décoctions, et de potions, il se rapprocha. Bono lança une petite fiole à Glaps...

- Une potion grâce à laquelle on se prend pour un animal ? Hum... Je n'en vendrais pas dans ma taverne, hors de question... Manquerait plus que certains se prennent pour des chiens et viennent se vider la vessie contre les murs...

L'archer se posa sur une chaise et demanda aux deux joueurs de cartes :

- Mais cela m'étonne que vous vous connaissiez, vous étiez du même clan, c'est cela ? De quel clan s'agit-il ?

Les deux sorciers, l'un près de l'autre, semblait retrouver une ancienne complicité qui ne transparaissait pas au début. Désormais, l'aubergiste pouvait les imaginer faisant partie du même groupe.

Glaps réceptionne le flacon et commence a le retourner dans tous les sens, à le mettre dans la lumière pour en observer la couleur

ça ne ressemble à rien de ce qu'on peut trouver ici... et tu dis que ça transforme en pic vert ? ... intéressant.

glaps dévisse le bouchon, et place son nez au dessus du col du flacon.

Snif, snif, ça sent le ... arf, nan, c'est vraiment indéfinissable comme truc.

Glaps s'apprête a en mettre une goutte sur la langue, quand l'avertissement d'Hellismine lui revient aux oreilles.

Hummm, c'est vrai que ça ne serait pas vraiment judicieux de me retrouver transformé en sanglier ou quelque chose du genre ici... j'ai déjà assez répandu de bazar comme ça...

Il redonne le flacon a Bono, et léve son verre

Eh bien bono, tout ce que je peut dire c'est :
Gloire aux seizons, qui vont conquérir d'autres territoires, pendant que nous restons plantés là comme des endives ...

Puis il se tourne vers Hellismine

Hé bien, euh , oui. Bono a appartenu au zenshu fudji, comme je le fais actuellement.
Mais euh... sethitus et ce magicien là euh :bary ... ils n'étaient pas censés venir taper le carton ?

Alors que Glaps prononçait son nom, Bary apparut dans un nuage de confettis et d'ours en peluche.

Eh bien mes amis que d'aventures ! Bien le bonjour à vous, excusez mon retard, mais après mon retour, j'ai été frappé mortellement à deux reprises alors que je défendais la ville. Heureusement, j'ai plus d'un tour dans mon sac, mais on a beau être matinal, ça fait mal !


Voyant le regard interloqué de ses compagnons, Bary se dit qu'il valait mieux s'expliquer sur son arrivée... lui-èsque.

Pas mal ce nouveau sort de téléportation, j'en ai eu l'idée pendant mon absence. Malheureusement, il souffre de quelques inconvénients, il n'est pas très discret, en plus les confettis et les peluches, qui sont les composantes essentielles pour la réussite du sort, doivent être fabriqués de ma main et ceux que j'utilise ne sont pas réutilisables. Enfin bref, vous comprendrez que ce n'est pas très pratique. Puis plus bas à hellismine : En tout cas avec ce sort je ne perds pas la tête.

Bary se sentait tout de même coupable de ne pas avoir donné de nouvelles à son ami pendant tant de temps. Il se lança donc dans une vive et joyeuse mélopée, et tandis que la lumière de l'auberge prenait les teintes vertes de son royaume, deux grands rayons lumineux vinrent éclairer le comptoir puis il éleva la voix pour que tous les occupants de l'auberge puissent entendre.

Tournée générale de raku raku ! Fêtons le retrait des troupes reikonnes ! Peuple Seizon, la nuit est à vous !

Un large sourire aux lèvres, Bary se retourna vers ses compagnons.

Eh bien mes amis, que diriez vous d'une partie de cartes en attendant Sethitus, il ne nous en voudra certainement pas d'avoir commencé la fête sans lui.

Le tavernier vit avec stupeur que Glaps allait goûter le contenu du flacon que Bono lui avait lancé... Alors qu'il était prêt à les inviter prudemment à pénétrer dans la fumerie, Hellismine soupira de soulagement quand il vit le sorcier se raviser...

- Hum oui, je crois que c'est plus prudent d'essayer un tel produit à l'extérieur, loin de tous, loin de moi, loin du Seizon Debout... Quoiqu'il en soit, il faudrait bien que quelqu'un fasse la liste de tous les animaux en lesquels on peut se transformer... Finalement, cela peut être drôle...

Peu certain de l'affirmation qu'il venait de lancer, Hellismine sourit cependant béatement, en pensant qu'avec beaucoup de chance, il pourrait peut-être un jour se transformer en licorne...
Au moment où Glaps prononçait le nom des deux retardataires, on vit apparaître dans une ambiance de fête l'indéfinissable Bary Trauteur. Hellismine, qui avait le dos tourné à ce moment-là, sourit, puis, sans se retourner, salua Bary. Ce dernier s'excusa de son retard bien compréhensible puis se mit en tête de nous narrer sa dernière trouvaille, le sort de téléportation à l'aide de confettis et d'ourson en peluche... Il était facile de comprendre pourquoi le sorcier était devenu une star auprès des jeunes et des moins jeunes, il était farfelu, semblait sortir d'un rêve à chaque fois et ses tours toujours inattendus fascinaient les enfants...

- Hum... Des confettis hein....

Bary se mit alors à entonner un air joyeux traditionnel et éclaira la taverne de feux et de rayons verts, qui fêtaient le recul de l'armée Reikonne. Chaque mouvement vers l'arrière des ennemis donnaient lieu à des célébrations mémorables dans tout le royaume. Soulagé par cette nouvelle rassurante, Hellismine allait pouvoir attendre le dernier joueur de cartes avec sérénité...
Le tavernier commença à nettoyer un peu, à l'aide d'un balai, le remue-ménage qu'avait causé l'arrivée du sorcier. Bary Trauteur invita alors à débuter la partie de cartes, et tous commencèrent à s'installer autour de la table, mis à part l'aubergiste qui avait été cherché tout ce dont ils auraient besoin...A son retour, l'archer désira poser une petite question qui le turlupinait depuis quelques jours :

- Une seconde, s'il vous plaît, j'aimerais savoir une chose. Sethitus mis à part, je ne joue qu'avec des personnes qui savent manier la magie. Je me demandais si cela avait un rapport avec le fait que je finissais toujours par perdre la somme que j'étais disposé à jouer... Hum ??

oarf .... tu ne crains pas grand chose avec des sorciers de notre acabit... Glaps sourit de toutes ses dents .
Le minimum qu'on puisse dire c'est qu'elle n'est pas des plus... discrètes
sur ce , glaps lance un regard à bary

Imitant mes compagnons, je m'installai confortablement sur ma chaise. Je récapitulai dans mon esprit les sorts d'illusions qui me permettraient de modifier la valeur de mes cartes si la situation tournait trop en ma défaveur.

La porte de l'auberge s'ouvrit alors délicatement et un homme se glissa dans l'ouverture, avant de la refermer tout aussi précautionneusement. Le nouveau-venu portait des vêtements de voyage gris et une cape avec une capuche. Ses habits fatigués révélaient un long voyage parsemé d'embûches. Il avait la peau mate, qui trahissait des origines vraisemblablement mizues. Il était grand et mince, des cheveux bruns bouclés lui tombaient sur les yeux. Il serrait contre lui un petit sac de cuir.

Il resta sur place un instant, parcourant du regard les tables de l'auberge. Il jeta son dévolu sur une table isolée et traversa la salle à grandes enjambées. Quelque chose ne me semblait pas naturel dans son attitude et je compris lorsqu'il passa près de notre table. Il regardait frénétiquement de tous les côtés, ses yeux n'étaient jamais au repos. Je ne pouvais deviner d'où il venait, mais cet homme avait peur, c'était une certitude. Il s'assit rapidement, mais ne fit pas mine de commander. Discrètement, il passa sa main sous le plateau de la table, à la recherche de quelque chose. Au bout de quelques secondes, il reposa sa main sur la table, le poing serré. Je pus furtivement distinguer un petit morceau de parchemin lorsqu'il le déplia et se mit à le lire.

Pendant tout son manège, Hellismine avait distribué les cartes et la partie avait débuté. Très mal d'ailleurs. Mon jeu n'était guère intéressant, ce qui me permettait de me concentrer sur les faits et gestes de l'inconnu. Ne pouvant plus tenir, je me penchai en avant et, dans un souffle, décrivis à mes camarades tout ce que j'avais pu noter de suspect dans son comportement.

Le raku était sur la table, les cartes étaient prêtes, les amis installés autour de la table de jeu, que demander de plus ? Hellismine, comme a l'habitude, distribua les cartes en premier. Il surveillait du coin de l'oeil les mouvements et gestes de ses partenaires, histoire qu'ils ne balbutient pas une honteuse formule magique. Ah, enfin, un beau jeu, un brelan en première main, il allait se refaire sur cet unique coup de cartes, il allait récupérer tout ce qu'il avait perdu dans la semaine en quelques minutes.

- Héhé...

C'était à Bono Skellington de miser, mais ce dernier semblait absorbé par on ne sait quel sujet d'étude, sans doute une jolie Seizon qui passait par là. En parlant de jolie Seizon, Hellismine se mit soudain à penser qu'il aurait bien besoin d'une aide pour faire fonctionner l'auberge, car entre les parties de cartes, les beuveries et les périodes assez longues d'évasion dans la fumerie, la taverne était parfois laissée à l'abandon : personne pour servir les clients, pour débarrasser les tables, pour faire la causette aux consommateurs ou pour changer les draps des chambres... Il avait bien pensé à Germain, mais il ruinait les stocks et, avec ses histoires lassantes, il ennuyait les clients. Et puis certaines personnes, tristes de n'avoir personne à séduire, regrettaient que l'auberge manquat d'une présence, d'une aura un peu plus féminine. Mais Hellismine se secoua, se dit que l'important pour le moment était de gagner ce coup de cartes.
C'est alors que Bono se pencha et nous invita à l'écouter. Il nous révéla qu'un des clients avait une attitude quelque peu... bizarre. Il semblait effrayé, et n'avait rien commandé ce qui mit le tavernier hors de lui.

- Il peut bien être bizarre, apeuré, bête ou malhonnête, mais s'il est venu dans la taverne, il consommera, ou je le sors à grands coups de pieds au derrière moi.

Hellismine se leva, se dirigea vers le personnage qui semblait plongé dans la lecture d'un morceau de papier manuscrit. C'était un Mizu.

- Monsieur !

Le mizu sursauta, cela amusa un peu le tavernier, mais les yeux paniqués du Mizu glaçèrent le sang d'Hellismine, qui recula d'un pas.

- Hé bien, l'ami, qu'avez-vous ? Vous êtes Mizu, vous êtes chez des amis en territoire Seizon !! Vous êtes en sécurité ici... Voulez-vous boire quelque chose ?

Le client un peu étrange commanda un raku-raku que lui apporta l'aubergiste. Puis ce dernier revint à la table pour jouer ce fameux brelan de rois.

- Hum, tu as raison Bono, ce type est à bout de nerfs. Bon, continuons s'il vous plait, je sens que cette partie va être mémorable...

La partie de cartes n'avait pas repris que l'étrange Mizu, après qu'il ait bu d'un trait sa chope de raku-raku, se leva et, lançant des regards désespérés un peu partout dans la salle, se dirigea vers la porte de sortie...

- Hum, quelle descente tout de même... Je suis persuadé que ce mizu aurait pu rivaliser avec nous lors de nos beuveries...

Le Mizu, qui triturait toujours dans sa main ses morceaux de parchemin, avait le teint un peu rougeaud, et ses mains, qui tremblaient, devaient souvent soulever verres et chopines. Il portait son chapeau très haut sur le crâne, qui dévoilait une tête très jeune, mais à la calvitie naissante et aux cheveux qui, déjà, grisonnaient. Ses vêtements usés révélaient que le chemin parcouru par cet homme avait du être long et fatiguant.
Il finit par sortir de l'auberge, non sans précautions et on entendit à ce moment de grands bruits de bagarre...

Pendant un instant qui parut durer une éternité, les joueurs s'interrogèrent du regard.
Devaient-ils intervenir ?

Glaps évalua rapidement la situation : il n'a rien à secouer de cette vieille branche de Mizu qui parait clairement drogué.
Mais sortir pour le "secourir", ou du moins en avoir l'air, permettrait d'éviter de terminer cette partie...
Non pas que glaps n'apprécie pas le poker, mais depuis quelques tours il sonde à intervalle régulier le jeu d'Hellismine, et celui-ci a une main tout bonnement impossible a battre ! Même en trichant comme un diplomate Reikon.

Glaps se décide a prendre la parole ...

- euh ... peut-être devrions-nous aller voir ce qui se passe ?

À l'instant où nous nous levions, un cri rauque s'éleva à l'extérieur. Je m'élançai à travers la salle et me jetai hors de la taverne. Le mizu était à terre, une dague plantée dans la poitrine. Un homme enveloppé dans une cape noire était penché sur lui, s'apprêtant à le fouiller. Nous voyant sortir, l'homme arrêta sa sombre besogne et prit la fuite. Sans réfléchir, je tendis les paumes en sa direction et fis affluer le pouvoir. Une boule d'énergie se forma entre mes mains que je projetai vers l'agresseur alors qu'il était sur le point de tourner au coin de l'auberge. Elle le frappa violemment à l'épaule et il tomba à terre, mais se releva aussitôt et reprit sa course.

« Un mage, vite ! », criai-je à l'attention des clients de l'auberge, avant de courir à la poursuite de l'homme.

Mais c'était trop tard, l'inconnu avait disparu dans les ombres de la ruelle. J'examinai l'endroit où il était tombé et trouvai un médaillon orné d'un écusson, sans doute échappé de sa poche lors de sa chute. Je retournai vers mes compagnons pressés autour du Mizu. Les yeux grands ouverts, des larmes coulaient sur ses joues. Dans un effort désespéré, il articula : « Professeur... Bissmal... Raku-raku... authentique...»

Il eut un dernier sursaut et mourut. Autour de nous, la foule, qui était restée figée, commença à se disperser lentement. J'examinai la dague, mais elle ne présentait aucun signe particulier, ni aucune indication sur son propriétaire en fuite. Les autres fouillèrent le corps sans vie, mais ne découvrirent rien, à l'exception du parchemin que l'homme avait trouvé dans l'auberge.

« Dans trois jours, à la taverne de la Licorne Blanche, à la tombée de la nuit. Une fleur d'Alys sera posée sur ma table. », lut Hellismine.

L'homme avait les mains crispées sur son sac. Je les écartais difficilement afin de le dégager. Il contenait de nombreuses plantes, fioles emplies de liquides non identifiés et autres ingrédients typiques des alchimistes et herboristes. J'étais incapable de reconnaître toutes les substances qu'il transportait. Je me tournai vers mes compagnons.

« Notre homme devait être une sorte d'alchimiste pour voyager avec de telles objets, mais je ne vois rien qui est habituellement utilisé dans les recettes connues. »

« L'un d'entre vous a-t-il déjà entendu parlé de ce professeur Biss-chose ? » ajoutai-je, en tendant le sac à Glaps en espérant qu'il reconnaîtrait quelque chose.

Je regardais pensivement le médaillon tombé de l'assassin.

« J'ai déjà entendu des rumeurs, dans des tavernes, sur le Raku-raku authentique. Un délire d'alcoolique... Ce serait le Raku-raku distillé par le dieu Polkiu, par ses très divines mains, le Raku-raku des banquets divins. Le Raku-raku original qui aurait ensuite été transmis aux hommes, mais sans en conserver sa suprême qualité. »

Je montrai le médaillon aux autres.

« Et ceci est le blason d'une branche occulte de la Guilde des Aubergistes et Taverniers. Je sais juste qu'elle existe, mais travaille dans l'ombre. Personne ne sait réellement quelles sont ses activités au sein de la guilde, mais, au vu de notre ami Mizu ici-présent, on peut conclure qu'elle trempe dans des affaires plus que louches. »

Je me tus. Cette affaire piquait ma curiosité et, j'avais beau prétendre ne pas y croire, l'idée de pouvoir un jour percer les mystères du Raku-raku authentique était très séduisante. Je regardais vers l'horizon. Si nous décidions de suivre la piste de ce parchemin, trois jours ne seraient pas de trop pour rejoindre la taverne de la Licorne Blanche.

Alors que nous avions repris notre partie après l'arrivée de l'étrange mizu, un cri retentit à l'extérieur de la taverne. Bono fut le premier à réagir et fonça hors de la taverne. Quant à moi, après avoir accouru à la suite de bono à l'extérieur de l'auberge je décidais de sortir de mon sac un poignée de confettis et quelques peluches et tandis que la joyeuse mélopée sortait de ma bouche, je me dématérialisai pour réapparaître dans la rue adjacente, vers laquelle l'homme semblait se diriger. D'ici je pu entendre un second cri, puis des bruits de pas se rapprochant de moi. Encore une fois je me mis à incanter et de fortes bourrasques se mirent à courir en tout sens autour de moi. Le bruits de pas précipités se fit de plus en plus proche et lorsque je vis l'inconnu s'élancer dans ma direction je lui plongeai littéralement dessus, ce qui eu pour effet de l'envoyer voler à quelques mètres sous la puissance des vents. Malheureusement, l'homme était bien plus agile que moi et parvint à prendre la fuite avant que je n'ai pu me relever. Cependant mon action n'avait pas été vaine, car tandis que le sinistre individu disparaissait dans le dédale de ruelles, j'aperçus par terre une sacoche arrachée par la violence de l'impact.
Je la pris et retournai vers l'auberge où m'attendait mes amis.


Alors comment va t-il, dis-je à bout de souffle en faisant un signe de la tête vers le mizu. Il va s'en sortir ?

Devant les regards inquiets de mes camarades je leur fis part de ma découverte et leur tendis la sacoche tandis que je me penchais pour examiner la plaie.

La blessure en elle même ne me paraît pas mortelle, mais d'après ce que je vois la lame qui l'a frappé était imprégnée d'un poison très virulent. A moins de trouver l'antidote adapté dans la sacoche, je ne pense pas que notre homme puisse s'en sortir.

Un frisson parcourut le groupe et les regards convergèrent vers la sacoche élimée.

Nous hésitames pendant un dixième de seconde. Le premier à réagir fut Bono, qui se jeta à l'extérieur. Nous entendimes un cri déchirant, qui nous glaça l'échine. Je jetai un dernier petit coup d'oeil rapide à mon carré, qui m'obtenait à coup sur le gain de la manche et d'une fort jolie somme de Gp, puis, je jetai mes cartons et me lançai à la poursuite de mes compagnons de jeu.
Un homme couché par terre, un autre courait vers une ruelle proche. Qui pouvait m'assurer que celui qui courait était bien le méchant dans l'histoire ? Bary disparut alors et Bono lança un de ses sorts qui toucha l'assassin. Dans le doute, je m'abstins de toute attaque et de toute façon, l'homme, pour moi semblait hors d'atteinte de mon lance-pierres, et je me penchai vers l'homme blessé, qui gisait à même le sol.

- Professeur... Bissmal... Raku-raku... authentique...

Il parvint à dire ces derniers mots, mais la dague enfoncée profondément ne lui avait laissé aucune chance. Bary revint, des confettis sur l'épaule et, à sa mine déconfite, nous comprimes que le fuyard avait échappé au sorcier.
Un peu interdits à la pensée des mots entendus, nous entreprimes de fouiller le pauvre Mizu, à qui je venais de promettre une sécurité certaine sur les terres Seizonnes. Je frémis à cette ironie du sort, puis avec l'aide de tous, nous fimes le point de tout ce que nous avions, à commencer par le parchemin que tenait le cadavre, et que je lus à haute voix :

- Dans trois jours, à la taverne de la Licorne Blanche, à la tombée de la nuit. Une fleur d'Alys sera posée sur ma table.

Le meurtrier avait eu beau avoir réussi à s'enfuir, dans ses luttes, il s'était fait arracher deux choses. La première était un médaillon que nous montra Bono. Ce dernier nous parla de la Guilde des Aubergistes et Taverniers. J'intervins à ce moment:

- Je connais cette GAT... Quand j'ai ouvert l'auberge, ils sont venus me voir et ont tenté de m'intimider pour que je me fournisse chez eux en raku... C'est sur qu'ils n'ont pas l'air bien honnête...

Pendant que Glaps inspectait la sacoche du Mizu mort, emplie d'herbes et de potions, j'entrepris de fouiller le sac que Bary avait arraché au tueur.

- Ce sont des documents, des ordres de mission, signés par un "P" majuscule... Là encore, on parle de recette authentique et d'ingrédients... Mais cela ne nous apporte rien de plus, aucun indice...

Déjà, les curieux s'en allaient. Les Seizons s'étaient faits à la mort assez rapidement et elle faisait partie de leur quotidien. Tous étaient pensifs, moi-même, je me mis à réfléchir sur cette légende de recette authentique. Si nous parvenions à trouver cette recette, ce cadeau béni des dieux, l'auberge du Seizon debout deviendrait la taverne absolue, le passage obligé de tous les habitants de notre planète... A voir la tête que faisaient les autres, je compris bien vite... Je me mis à courir comme un dératé vers la taverne, et préparai un sac empli de toute sorte de choses. Lonnie, elle, était déjà sellée...

Je m'engouffrai dans l'auberge à la suite de Hellismine. J'enfilai prestement mon manteau et jetai ma besace sur l'épaule. Je vidai d'un trait ma chope de Raku-raku, ainsi que celle de Glaps, les absents ayant toujours tort. Je me précipitai à l'extérieur.

« J'ai confié ma licorne à un ami de confiance hors de la ville pour pouvoir traverser discrètement le siège reikon, expliquai-je à Glaps et Bary, je vais la chercher. Retrouvons-nous à la sortie de la ville, près de la maison du garde-chasse. Il n'y a pas une minute à perdre ! »

Je m'élançai dans les rues de Failariel, bousculant les quelques tranquilles Seizons qui s'en retournaient dans leur demeure pour la nuit.

Tandis que le groupe se séparait, Bary s'était mis en quête de quelques composantes essentielles aux sorts dont il aurait sûrement besoins lors de son périple. Alors qu'il sortait de la Confiserie Suçucre, il aperçu un jeune page qui courait dans sa direction en lui faisant signe de l'attendre.

Ola mon garçon, que t'arrive t'il ?

Le page lui expliqua alors que le Capitaine Sethitus avait un message pour lui, et qu'il désirait une réponse dans les plus brefs délais.
Bary décacheta puis déroula le morceau de parchemin que lui tendait le jeune garçon, et un sourire s'afficha sur ses lèvres.

Très bien mon garçon, conduit moi au capitaine, j'ai des affaires qui ne peuvent attendre, mais la proposition du capitaine Sethitus me rempli de joie et tombe exactement au bon moment.

Bary suivi le jeune garçon vers une clairière au nord de la ville où Sethitus s'entraînait. Le page vit les deux amis se saluer chaleureusement et une discussion très animée s'ensuivie. Sethitus conduisit Bary à l'orée de la clairière. Puis ils revinrent. Les deux arborant un large sourire. Puis les deux hommes se serrèrent la main et Bary sembla faire don d'une mystérieuse sacoche avant de retourner seul à l'orée de la clairière. Sur un geste de Sethitus le page pris alors congé et reparti vers le château.

Lorsque Bary arriva au rendez vous près de la maison du garde chasse, il était fier comme un coq et beau comme un camion, curieux mélange me direz-vous... Il était monté sur une magnifique licorne d'un blanc nacré.

Mes amis je vous présente notre nouveau compagnon, Firebolt !

J'aperçus Bary Trauteur qui arrivait enfin. Cela me surprit, je n'en crus pas mes yeux pendant quelques secondes. Pas de suie qui recouvrait ses vêtements, pas de confettis, pas de peluches, et tous les membres de son corps se trouvaient, apparemment, aux bons endroits; le sorcier était monté sur une licorne magnifique, un animal vraiment bien né et dont il était visiblement très fier...

- Ainsi, tu t'es décidé... C'est vraiment une bête magnifique...

Lonnie s'approcha et hennit curieusement avant de pousser de la tête la licorne appelée Firebolt. A mon tour, je m'en approchais et lui flattai le flanc. Un peu énervée par sa nouvelle vie qui commençait, Firebolt répondit au hennissement de Lonnie par un autre.

- Tu n'as pas vu les autres en route ? Il faut se dépêcher...

Bary était très satisfait du regard que lui lança son ami hellismine qui l'attendait seul au point de rendez vous. Il se dit que son nouvel ami firebolt valait bien qu'il ralentisse un peu ses approches en magie de transport expérimental...

Non je n'ai vu personne du groupe, mais je pense qu'ils ne devraient pas tarder maintenant... en attendant que dirais tu de mettre à plat tous les indices que nous avons trouvés, cela nous donnerais une idée de l'itinéraire et de ce à quoi nous devons nous attendre.

Bary descendit maladroitement de Firebolt et lui donna un bout de pain qu'il avait acheté quelques instants auparavant. Puis il en proposa à Hellismine pour sa chère Lonnie.

Bon voyons voir ce que nous avons là dedans...

Bary mis le bras dans le sac qu'il avait en bandouillère, puis fouillant en vain, il le retira et y plongea les deux bras et la tête puis son torse disparu dans le mince réceptacle de toile élimée.

Ah, je l'ai !

Bary sorti la sacoche qu'il avait prise à l'assassin et en sorti le contenu.

Bah alors patron, qu'est-ce que tu fais ? Sors donc ce que l'on a trouvé sur ce pauvre homme, qu’on regroupe tout en attendant les autres...

Je m'approchai lentement de la cabane du vieux Disn'h, à la frontière des marais. Le vieil homme m'accueillit de son plus beau sourire édenté. Il portait ses habituelles fripes crasseuses. Il vivait depuis si longtemps dans les marécages qu'il ne pouvait plus se débarrasser de l'odeur lourde qui l'accompagnait. L'avantage était qu'il pouvait se déplacer sans être repéré, à la manière d'un caméléon olfactif, se fondant dans l'environnement.

Il me conduisit derrière sa demeure où Woodstock, ma licorne, m'attendait sagement. Alors que j'approchais la main pour flatter son museau, il eut un mouvement nerveux. Le vieux Disn'h aussi semblait avoir senti quelque chose d'inhabituel dans ses marais si familiers. Je me raidis lorsqu'un sifflement se fit entendre au loin. Un carreau d'arbalète frôla mon épaule et se ficha dans le sol derrière moi. Sans hésiter, le vieil homme se jeta dans une flaque boueuse et fit le mort.

Habitué des champs de bataille, Woodstock s'écarta sans se cabrer. Je sautais sur son dos au moment où un autre carreau vola. Piquant des deux, je m'élançai au galop. Les assaillants s'étaient dissimulés dans la végétation luxuriante des marais, il me fallait m'éloigner rapidement. Un jet de lumière, que j'évitai de justesse, jaillit de ma droite .

Je faisais les comptes : au moins un archer et un sorcier en avaient après moi. En temps normal, j'aurais conclus à une embuscade tendue par des Reikons en promenade, mais les récents événements modifiaient légèrement la perspective. Je supposai qu'ils devaient être liés à la confrérie des aubergistes. Ne pouvant prendre le risque d'être dévoilés au grand jour, ils avaient décidé de nous éliminer nous aussi.

Un hennissement m'informa qu'ils s'étaient lancés à ma poursuite, mais Woodstock est un compagnon de voyage aguerri, habitué à galoper sur des lieues, et distança sans effort mes agresseurs. Je me dirigeai vers le point de rendez-vous, craignant pour la sûreté de mes compagnons.

Penché sur l'encolure de Woodstock, je scrutais tout autour de moi, à la recherche d'éventuels ennemis supplémentaires. Enfin, la maison du garde-chasse apparut au loin, ainsi que Hellismine et Bary. Je m'arrêtais à quelques mètres d'eux, ils étaient en train d'examiner le contenu des sacoches.

« En selle ! Les assassins de la Guilde sont à mes trousses, leur criai-je, en désignant les marais. Il faut partir pour la taverne de la Licorne Blanche. Nous ne pouvons pas attendre. Glaps nous rejoindra en chemin, il connaît notre destination et saura se dissimuler à la vue de nos adversaires avec sa magie. »

Joignant le geste à la parole, je lançai Woodstock sur la route poussiéreuse.

Bary commença à fouiller dans la besace quand on vit un nuage de poussière s'élever au loin. On ne voyait pas qui cela était. Je dis alors à Bary :

- C'est Glaps. Ca ne peut être que sa charrette de livres qui produit un tel brouillard de poussière. Glaps, oui... Hum Bary, 10 GP que c'est bien Glaps...

La vitesse à laquelle se déplaçait l'amas de sable et de terre nous étonna alors. C'était comme s'il se dépêchait d'arriver sur nous, comme si cela allait nous englober... Puis, on entendit des cris; Bono, car il s'agissait de lui, nous avertit alors de ce qu'il se passait. Il était poursuivi !! Sans penser à autre chose, je remontai sur le dos de Lonnie et me lançai à la suite de Bono.

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